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La conduite spirituelle de l'humanité

"Lorsque l’homme entreprend de se connaître soi-même, il découvre qu’en dehors du Moi que constituent ses pensées, ses sentiments et ses volontés conscientes, il porte en lui un second Moi, plus fort que le premier. Il se rend compte qu’il est soumis à ce second Moi, ainsi qu’à une puissance supérieure. Au début ce Moi lui apparaîtra comme un être intérieur au Moi qu’il embrasse de toute son âme pleinement consciente, inclinée vers tout ce qui est bon et vrai. Et il cherchera à dompter cet être inférieur.

Un examen plus profond de soi-même fera connaître à l’homme ce second Moi sous un jour nouveau. Quand on soumet souvent son existence passée, avec tout ce qu’on a vécu, à un examen rétrospectif, on fait une découverte singulière : et cette découverte apparaît sans cesse de plus d’importance, à mesure qu’on avance en âge. Lorsqu’on se demande : « Qu’ai-je fait ou dit à telle ou telle époque de ma vie ? » on constate que l’on a fait une foule de choses dont le sens n’apparaît que beaucoup plus tard dans l’existence. On a fait des choses, il y a six ou sept ans, il y a peut-être vingt ans, dont on se dit avec certitude : « C’est maintenant seulement, longtemps après, que mon intelligence s’est élevée jusqu’à la compréhension de ce que j’ai dit, ou fait à cette époque. » Beaucoup d’hommes ne parviennent jamais à ces découvertes, parce qu’ils ne s’en avisent pas. Mais il est extraordinairement fructueux de faire souvent ces voyages d’exploration dans sa propre âme. Car lorsque l’homme se dit : « J’ai fait des choses dans les années passées que je commence à comprendre maintenant seulement, mon intelligence n’était pas mûre alors pour les comprendre. » Au moment même où l’homme fait cette découverte, son âme est traversée par la sensation suivante : il se sent comme blotti dans le sein d’une bonne Puissance, qui règne dans les profondeurs de son être ; il commence à avoir une confiance de plus en plus assurée dans cette vérité, que dans le sens le plus haut du mot, il n’est pas seul au monde et que ce qu’il comprend, ce dont il a conscience n’est, à vrai dire, qu’une toute petite part de ce qu’il accomplit dans l’univers."

(Extrait de Rudolf Steiner, Les guides spirituels de l’homme et de l’humanité, traduit de l’allemand avec l’autorisation de l’auteur par Jules Sauerwein, Éditions de l’Aube, Paris 1922).