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La réincarnation de l'esprit

Nous n'avons considéré, jusqu'à présent, l'esprit et l'âme qu'entre les limites comprises entre la naissance et la mort. Nous ne pouvons en rester là. Ce serait comme si nous limitions à cette même période toute observation concernant le corps. Certes, nous pourrions tirer de cette étude beaucoup de connaissances ; mais elles ne suffiraient jamais à nous expliquer la forme humaine. Celle-ci ne saurait s'édifier spontanément, au moyen des seules forces et des seules substances physiques. Elle ne peut devoir son existence qu'à une forme semblable à elle et dont elle témoigne. Les substances et les forces physiques édifient le corps pendant la vie les forces de la reproduction lui permettent de donner naissance à un autre être ayant sa forme, capable par conséquent d'être porteur du même corps vital. Tout corps vital est une reproduction de celui de son ascendant. Et c'est uniquement pour cela qu'il ne revêt pas une forme quelconque, mais celle dont il hérite. Les forces qui ont donné naissance à la forme humaine que je revêts se trouvaient dans mon ancêtre.

Mais l'esprit de l'homme revêt lui aussi une forme déterminée (le mot forme est pris, bien entendu, dans un sens spirituel). Et les formes de l'esprit varient infiniment d'un être à l'autre. Il n'existe pas deux hommes qui aient la même forme. Abordons ce domaine dans le même esprit calme et objectif que nous appliquons au domaine physique. Maintenir que les divergences entre les individus ne sont dues qu'à des variations de milieu, d'éducation, etc., est chose impossible. Deux personnes qui subissent les mêmes influences de milieu, d'éducation, etc., se développent de manière toute différente. Il faut donc admettre quelles ont apporté, en naissant, des dispositions tout à fait différentes. Nous voici devant un fait important qui, si nous en discernons toute la portée, nous éclaire sur l'entité humaine. Si nous concentrions toute notre attention sur le seul côté matériel de la question, nous pourrions dire : il est vrai que les différences que nous constatons entre les personnalités humaines ne sont attribuables qu'à des variations dans la constitution des germes matériels.

Les lois de l'hérédité découvertes par Grégor Mendel donnent à cette hypothèse une apparence d'exactitude même scientifique. Mais ce faisant, nous prouverions simplement notre incapacité â comprendre le rapport réel qui existe entre l'homme et les expériences qu'il fait. Car l'observation exacte nous montre que les circonstances extérieures agissent différemment sur les différentes personnalités, selon que varie un facteur qui n'a aucun rapport direct avec l'évolution du corps. Si l'on étudie sérieusement cette question, on constate que les effets dus à des dispositions propres à la substance se distinguent de ceux qui ont, il est vrai, leur origine dans un rapport de l'être humain avec la vie, mais qui ne peuvent se développer que du fait que l'âme entre elle-même dans ce rapport. L’âme est donc clairement en relation avec quelque chose au sein du monde extrérieur qui, dans son être propre, ne peut pas avoir de lien avec les la disposition des germes matériels.


(Issu de Rudolf Steiner, Théosophie, « L’être de l’homme », traduit de l’allemand par Elsa Prozor, Presses universitaires de France, 1923).