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Rudolf Steiner - Biographie

Après un travail de sept années aux Archives de Goethe, il s’établit à Berlin, en 1897. Il prend alors la direction du « Magazin für Litteratur ».

Début 1899, il commence à enseigner à l’Université populaire de Berlin qui avait été créée par Wilhelm Liebknecht pour les ouvriers en leur offrant des cours du soir. Johanna Mücke donna un témoignage très vivant de l’enseignement de Steiner aux ouvriers de cette Université populaire. Elle dit ceci en préambule de son texte : « Quiconque parcourt de nuit la lande perdue et voit surgir au firmament l’éclat lumineux d’un météore merveilleux, éprouve le besoin d’en témoigner et de raconter ce qu’il a vu, si personne d’autre n’est en mesure de fournir un meilleur récit de cet évènement. C’est dans ce sens que je vais essayer de parler d’une phase de la vie de Rudolf Steiner pour laquelle, à ma connaissance, il n’existe plus aucun témoin, ou tout au moins plus personne se rendant réellement compte de l’importance que revêt l’expérience au tournant du siècle. » Elle relate plus loin : « Précédemment le nombre des élèves ne fit que diminuer à chaque nouvelle conférence ; maintenant il y eut, au contraire, sans cesse de nouvelles inscriptions. C’est ainsi que peu de mois plus tard, lors de la reprise des cours, Rudolf Steiner eut à s’adresser à près de 200 participants. Ce qu’il y avait de nouveau pour nous, c’est la façon dont Rudolf Steiner amena les auditeurs à poser des questions et à prendre une part active à l’approfondissement des sujets traités. Auparavant nous avions été des auditeurs silencieux. Nous sortions plus ou moins satisfaits d’une conférence, ou accablés de fatigue ; il ne nous restait plus qu’à rentrer à la maison. Or maintenant, il y eut rapidement de l’animation faite de questions et de discussions. Rudolf Steiner répondait avec la plus grande attention et avec beaucoup de bienveillance ; il écoutait attentivement… Bientôt les cours se prolongèrent jusque vers minuit et au-delà. … Progressivement Rudolf Steiner accepta de donner d’autres cours encore. Il n’est pas possible de reconstituer une image complète de toute la richesse du savoir qu’il déversa alors sur nous. … Nous sentions comme un souffle vivifiant passer à travers tous les sujets qu’il enseignait, alors que précédemment ces mêmes matières avaient, par leur sécheresse, pour effet de fatiguer les élèves. Dès lors, on ne sera pas surpris d’apprendre que l’affluence ne cessa de croître très vite. L’enregistrement passif des matières enseignées fut remplacé par des entretiens animés et des échanges fructueux. … Lorsqu’un élève réussissait, Rudolf Steiner ne manquait pas de manifester sa joie. On avait l’impression que sa présence incitait les élèves à se surpasser. … »11.

Peu d’années auparavant, il avait écrit un livre (en 1895) intitulé « Friedrich Nietzsche, un homme en lutte contre son temps »12 qui le fit connaître comme un spécialiste, non seulement de Goethe, mais aussi de Nietzsche. Et c’est à ce titre qu’il fut invité après la mort de ce dernier, le 25 août 1900, par la Comtesse et le Comte Brockdorff, responsables d’une loge de la Société théosophique à Berlin, de venir leur faire une conférence sur ce philosophe. Le 22 septembre, il y donna donc une conférence sur Nietzche, et une semaine plus tard, le 29 septembre 1900, une autre, sur le Conte du serpent vert, avec ce titre : La révélation secrète de Goethe. L’intérêt qu’il éveilla chez ses auditeurs était tel que les responsables de la Loge théosophique décidèrent de lui demander de faire une série de conférences. Il commença cette série dès la semaine suivante, donc le 6 octobre 1900, et jusqu’au 27 avril 1901. Il fera ainsi un premier cycle de 27 conférences dans ce cadre. Le contenu de ces conférences furent réunis ultérieurement dans son ouvrage « La mystique à l’aube de la vie spirituelle moderne et ses rapports avec la conception moderne du monde »13. L’hiver suivant, il fut invité à faire un nouveau cycle de conférences qu’il résuma ensuite dans son livre « Le Christianisme en tant que fait mystique »14. Il dit ceci à propos de ces conférences : « Personne ne pouvait ignorer que, dans le cadre de la Société théosophique, je proposerais uniquement les résultats de ma propre investigation spirituelle. Et je ne manquais pas de le préciser à chaque occasion. … Je ne souscrivis à aucun dogmatisme sectaire : je restais un homme exprimant ce qu’il pensait devoir dire en accord avec ses propres expériences du monde spirituel. »15

Jean Hemleben, un de ses biographes, écrit à propos de ces deux ouvrages ceci : « Ces deux œuvres appartiennent aujourd’hui encore à ce que l’on peut appeler ‘L’introduction à l’anthroposophie’, mais elles montrent également, à quel point Rudolf Steiner s’appliqua à placer son étude à l’opposé de la théosophie orientale, et bien dans la ligne de vie spirituelle de l’Europe… »16

Ces deux cycles de conférences, ainsi que les écrits qui les résumèrent, qui avaient comme source d’inspiration l’ésotérisme chrétien, impressionnèrent les responsables théosophes au point qu’ils lui demandèrent de devenir le (premier) Secrétaire général de la Société théosophique pour l’Allemagne. Sa fondation eut lieu les 19 et 20 octobre 1902. Rudolf Steiner écrit ceci dans son Autobiographie : « Ma mission consistait à élaborer pour l’anthroposophie une base aussi objective que la pensée scientifique… Je cherchais à démontrer que l'anthroposophie est la continuation objective de la science, et non une simple doctrine subjective et parallèle. … Telle était l’orientation de ma vie intérieure lorsqu’en 1902 Marie von Sivers et moi acceptâmes de diriger la Section allemande de la Société théosophique. »17

C’est alors que commence, pour lui et pour Marie von Sivers (future Marie Steiner), une activité inlassable. Pour décrire celle-ci, on doit parler en premier de son activité de conférencier qui incarna véritablement par la parole, et ainsi d’une manière directe, l’essence de l’Anthroposophie. Par celle-ci, il ouvrait un nouveau regard, une nouvelle manière d’aborder l’histoire, les sciences, les religions, les arts, la vie économique. Il transmettait de nouveaux concepts dans tous les domaines de l’existence. Mais, et avant tout, il parlait directement à ses auditeurs des mondes spirituels, du parcours de l’âme humaine après la mort, il décrivait le passé du cosmos et de l’humanité et il ouvrait une nouvelle compréhension du Christ. Beaucoup de ceux qui l’entendaient ressentaient qu’ils participaient alors à une nouvelle ère de la connaissance pour l’humanité. Les limites de la connaissance concernant le suprasensible, la vie après la mort, les origines de l’humanité et de la conscience etc. qui semblaient jusque-là infranchissables, ne l’étaient plus que pour la conscience ordinaire. Rudolf Steiner s’est présenté comme un précurseur de nouvelles facultés spirituelles et celles-ci, il ne cessait de l’affirmer, sont en gestation chez tout être humain. Rudolf Steiner décrira tout au long de son activité, par écrit ou oralement, comment l’être humain peut acquérir ces nouvelles facultés. Mais avant d’acquérir celles-ci, il expliquait qu’il est indispensable d’acquérir la compréhension de l’action du suprasensible dans l’existence.18

A partir de 191019 il se tourne résolument vers l’art. En effet, la démarche de l’Anthroposophie ne peut être seulement une démarche de connaissance. A partir de cette année 1910, il écrit chaque été un «Drame-Mystère» (traitant du cheminement initiatique moderne) qui est joué à Munich. Ces Drames-Mystères vont donner l’impulsion pour construire un lieu qui leur correspondrait et où ils pourraient être joués. La construction du premier Goetheanum commence en automne 1913. Elle se fit par l’engagement de volontaires enthousiastes venant de dix-sept nations différentes alors que celles-ci étaient en pleine guerre mondiale. Et c’est dans ce cadre qu’il donne des impulsions fondamentales en sculpture, en peinture, en architecture, en théâtre, en art de la parole (récitation-déclamation) ainsi que la création d’un nouvel art du mouvement : l’eurythmie.

 

 

11 Johanna Mücke, Souvenirs : Rudolf Steiner et l’Université de Berlin 1899-1904, EAR.

12 GA 5, EAR.

13 GA 7, Fischbacher et EAR.

14 GA 8, EAR.

15 Autobiographie, GA 28, EAR.

16 Jean Hemleben, La vie et l’œuvre de Rudolf Steiner, pages 84-85, Triades, 1967.

17 Autobiographie, Vol.2, pages 178 et 179, EAR.

18 Rudolf Steiner a écrit une trentaine d’ouvrages qui donne une base à une véritable science de l’esprit. Cette œuvre écrite est répertoriée du GA 1 au GA 45 qui comprend ses livres du GA 1 au n°28, ses articles du GA 29 au n°37, sa correspondance, ainsi que les méditations écrites et des fragments de textes du GA 38 au n°45. L’œuvre retranscrite de ses conférences comprend environ 300 ouvrages. Cette œuvre élargit celle écrite sous une forme plus directe puisqu’à l’origine orale, et elle offre un vaste champ de la connaissance qui touche de très nombreux domaines qui s’appuie sur l’investigation spirituelle. Les cycles de conférences sont retranscrits et répertoriés du GA 51 au GA 354.

19 Voir à propos du développement de l’Anthroposophie en trois phases : Rudolf Steiner, Eveil au contact du moi d’autrui, les 2e, 3e et 4e conférences, GA 257, EAR.